ENNEIGEMENT MÉCANIQUE LEYSIN-LES MOSSES

Le besoin en eau? Une cuillère à café retirée d’un litre.

Le nouveau projet d’enneigement nécessitera 200’000 mètres cubes d’eau. Une quantité infime compte tenu des réserves de la région.

23 février 2024

L’eau est une ressource précieuse. Dans cette optique, on peut comprendre que certains s’inquiètent de l’utilisation de 200’000 mètres cubes par notre projet d’enneigement. Qu’ils se rassurent, cet or bleu sera loin d’être galvaudé.

Nombre de destinations de ski européennes situées au sud, comme les Pyrénées-Orientales françaises, souffrent d’un climat sec. La pluviométrie y est très faible. Là-bas, le partage de l’eau fait débat entre les usagers. Les canons à neige n’échappent pas à la polémique. Rien à voir avec la région de Leysin et des Mosses qui est arrosée par le passage fréquent de fronts humides qui viennent buter sur les premiers contreforts des Préalpes. Il s’y déverse annuellement environ 1,55 mètre d’eau par mètre carré contre 1,20 en moyenne suisse. On peut ainsi estimer que le domaine skiable de Leysin-Les Mosses reçoit approximativement 42 millions de mètres cubes d’eau par an, soit 42 milliards de litres, avec des pics d’intensité au printemps et en automne. Seul 0,5% de ce volume sera nécessaires à nos appareils, soit l’équivalent de deux jours de pluie sur le domaine ou encore, en proportion, d’une cuillère à café (5 ml) prise dans un litre d’eau.

Sur un plan global, ce prélèvement est minime, ce d’autant plus que la pluviométrie est soumise à des variations interannuelles de 15%, soit plus ou moins 6 millions de mètres cubes d’eau. La quantité utilisée pour l’enneigement est donc sans influence comparativement aux seules fluctuations naturelles.

De Chaux-de-Mont au lac de l’Hongrin

En théorie, il pourrait exister des impacts concentrés sur des zones particulières du territoire ou des aquifères spécifiques. Nous soutenons que ce ne sera pas le cas. Cette affirmation se vérifie en examinant l’origine, le stockage partiel et le cheminement des eaux de pluie.

Au sommet des pistes de Leysin, sur le versant de Chaux-de-Mont, 800’000 mètres cubes d’eau tombent en moyenne annuellement. Les trois quarts s’infiltrent dans le sol, pénètrent dans les formations karstiques, puis alimentent les sources de Fontaines claires et de Fontanney, lesquelles fournissent de l’eau potable à la commune d’Aigle. Le quart restant, soit 200’000 mètres cubes, ruisselle vers le lac d’accumulation qui ravitaille les enneigeurs actuels. 40’ 000 mètres cubes sont stockés par cette retenue. Le trop-plein s’écoule en contrebas, puis s’introduit rapidement dans une faille du versant de Luan, amenant l’eau en direction des sources d’Aigle.

Demain, le bassin artificiel dirigera le surplus d’eau vers le lac de l’Hongrin, en produisant de l’électricité verte par turbinage. C’est un élément à souligner: le volume d’eau utilisé par les enneigeurs proviendra bel et bien de Leysin! Le lac de l’Hongrin servira uniquement de réservoir tampon au cours de l’entre-saison. Pourquoi une telle solution, qui consiste à accumuler de l’eau en contrebas, pour la remonter ensuite? Afin d’éviter la construction d’un bassin de rétention plus vaste en altitude, ce qui entraînerait des impacts sur le paysage. Voilà pour l’origine et le provisionnement de l’eau. Parlons maintenant de son chemin.

La commune de Corbeyrier ne sera pas asséchée

Par rapport à la situation d’aujourd’hui, 160’000 mètres cubes d’eau seront redirigés dans des canalisations. La commune de Corbeyrier, dont le périmètre communal passe à moins de cent mètres du bassin de retenue, s’en est alertée. La Municipalité craignait que le nouveau parcours de l’eau n’impacte les sources de son réseau. Un souci légitime.

Le doute a été levé par une expertise menée à l’aide de traceurs fluorescents: un colorant a été versé dans les eaux de l’exutoire (côté Corbeyrier) du lac artificiel de retenue, et son parcours a été observé par des hydrogéologues. La quasi-totalité a circulé jusqu’à Aigle en près de 3 jours. Seulement 0,0024% du traceur a été détecté à Corbeyrier. Une quantité si infime que la commune a retiré son opposition. «Il peut exister des incertitudes lorsqu’on ne retrouve qu’une faible proportion du traceur injecté, ce qui rend difficile l’interprétation du cheminement des eaux. Dans cette étude, quasiment tout le produit a été retrouvé à Aigle. Il n’y a aucun doute possible sur le parcours de l’eau. Les écoulements souterrains sont stables et ne changent pas, sauf perturbations majeures du terrain…», explique le géologue chargé de l’étude au sein de la Communauté d’Etudes Pluridisciplinaires en environnement et aménagement du territoire (CEP). Mais qu’en est-il alors de la commune d’Aigle, qui pourrait être privée de 160’000 mètres cubes d’eau au printemps?

Une convention avec Aigle

Par prudence, une convention sera signée avec les autorités aiglonnes. Elle établira que le turbinage sera interrompu en cas de pénurie. L’eau retrouvera alors son parcours d’origine. Une situation qui risque bien de ne jamais arriver: d’avril à juin, les sources débordent. La quantité d’eau disponible est telle que la plus grande partie n’est pas utilisée ou valorisée. A l’échelle d’une année, le taux de perte que pourraient subir les sources de Fontaines claires et Fontanney est au maximum de 0,5%. Là encore, les dimensions sont très petites pour ne pas dire insignifiantes.

Que retenir de cette explication? Qu’il n’y a pas deux systèmes d’enneigement semblables. Que la consommation d’eau par des canons à neige peut sans nul doute constituer une menace pour les aquifères et les réserves dans des régions très sèches, mais que ce n’est pas le cas partout, notamment dans les Préalpes et les Alpes. Dans le cas du présent projet, on peut conclure qu’aucun risque n’existe, ni pour la disponibilité des ressources, ni pour les réseaux des localités avoisinantes.

De l’eau d’urgence pour le bétail

Les périodes de sécheresse estivale rencontrées au cours des dernières années ont mis les agriculteurs et leur bétail sous pression. Elles ont imposé de nombreux transports d’eau par camion et par hélicoptère pour abreuver les troupeaux, ce qui a entraîné des coûts, du bruit et de la pollution. En cas d’urgence, le réseau de canalisations du nouveau système d’enneigement pourrait servir à acheminer de l’eau vers les pâturages depuis le lac de l’Hongrin. Cet usage sera explicitement mentionné dans la concession.

Ainsi, il est possible d’apprécier le projet sous deux angles positifs. L’hiver, il s’avère indispensable à l’économie des destinations. L’été, il est une assurance contre les canicules qui menacent les animaux. Pour les centaines de vaches, de veaux, de chèvres et de moutons qui paissent en altitude, la disponibilité de l’eau de Chaux-de-Mont, stockée durant la saison chaude dans le lac de l’Hongrin, pourrait faire toute la différence